février 2022 : notre voyage en rhône nord

Nous voilà de retour au pays de la syrah, viognier, marsanne et roussanne.

Suite logique de notre visite d’octobre 2021 où nous avions débarqué une première fois en fin de vendanges, nous voilà de retour en Rhône Nord.

Ces séjours étaient importants puisqu’ils étaient les premiers depuis la pandémie. Nous n’avions donc pu déguster le millésime 21 qu’en tout début de fermentation avec des vignerons fatigués par des vendanges compliquées et focalisés sur leur boulot. De plus nous étions accompagnés de nos nouveaux associés, Laurent Van Damme et Eddy Michel qui avaient donc l’occasion de rencontrer nos amis vignerons dans un contexte beaucoup plus détendu que celui de la période des vendanges. Le superbe millésime 2020 toujours en cours d’élevage ou mis en bouteilles récemment (selon les cuvées et les domaines) était aussi bien sûr au programme. 

L’année 21 a beaucoup fait parler d’elle dans tout le vignoble Français : le climat s’est en effet déchaîné… pluies, grêle, gel, maladies et autres ont, en effet, particulièrement décimé  la vigne. Presque toutes les régions viticoles ont été impactées à divers degrés, avec des pertes de récoltes considérables dans certaines appellations et une hétérogénéité totale au sein même de certaines d’entre elles.

Tous les vignerons rencontrés et les nombreuses informations que nous avions récoltées depuis les vendanges nous laissaient à penser que l’on pouvait relever des différences énormes de maturité entre un bout d’une parcelle et l’autre. L’altitude, l’orientation, la nature du sol, l’enracinement, l’âge des vignes, tout avait une importance.

Bref une année qui s’annonçait difficile, qui l’a été, mais qui au final nous a réservé quelques splendides surprises, dans le Rhône en tout cas… Le reste nous le découvrirons lors de nos prochaines visites dans d’autres régions.

Le lundi est consacré à Cornas. Nos trois vignerons y dressent le même constat : ce sont les vignes de plein coteau qui ont le plus souffert des intempéries.

Celles situées sur les hauteurs de l’appellation et dans les parties plus basses ont été plus épargnées, mieux protégées qu’elles étaient par la végétation environnante et jouissant de ce fait d’une maturité un peu plus tardive. 

Guillaume Gilles est en plein décuvage mais nous consacre malgré tout deux heures de son temps précieux. Nous dégustons les diverses parcelles et la première chose qui nous frappe, c’est une fraicheur inhabituelle que nous avions presqu’oubliée avec la longue suite de millésimes caniculaires qui se sont succédés depuis 2015. Les degrés moyens, comme nous le constaterons partout, tournent entre 12 et 13 degrés, ce qui nous ramène à des équilibres de millésimes tels 1988, 1996 ou encore 2014, mais en plus charnus. Les blancs et la cuvée des Rieux nous ont fait une très belle impression et les Cornas non encore assemblés des trois parcelles, sur le lieu-dit « Chaillot », seront de très belle facture. 

Chez Pierre et Olivier Clape, on peut une fois de plus tirer notre chapeau, les diverses cuvées possédant un équilibre et un fruit remarquables. Les Vins de Pays et les Côtes du Rhône ont vu leur production chuter, tous les efforts ayant été avant tout consacrés aux Cornas… Quoiqu’il en soit, et malgré une perte de volume assez conséquente (comme partout), la qualité sera une fois de plus au rendez-vous. Comme nous l’avions déjà remarqué depuis deux ou trois millésimes, la trame des vins s’affine. On sent que le travail précis mené au domaine sous l’impulsion d’Olivier porte ses fruits, d’autant que la nouvelle cave de vinification permet de travailler dans des conditions beaucoup plus faciles. 

C’est Johann Michel qui a le plus souffert des pertes de récoltes, et les cuvée « Jana » et « Mère Michel » ne seront pas produites en 2021, Johann ayant décidé de tout assembler afin de préserver la qualité de la cuvée principale. En dégustant les diverses parcelles et l’essai d’assemblage, cette solution semble en effet la plus raisonnable, car elle permet d’avoir un Cornas homogène, élégant, frais et sapide avec un très bel équilibre sur le fruit et la souplesse.

Il faut dire que les parcelles de Johann sont réparties dans tous les secteurs de l’appellation et que certaines ont plus souffert que d’autres. 

Nous finissons par une très belle dégustation des vins en bouteilles…qui se terminera tard dans la soirée, au champagne et au baby- foot. Ici, nous avons lavé l’affront subi au mondial en écrasant la France 😊. 

Mardi :

Florent Viale nous attend au domaine du Colombier. Crozes-Hermitage n’a pas été épargné une fois encore par le climat. La période des vendanges a été la plus stressante. Florent a vécu un moment très compliqué : la météo annonçait pluies et orages pour le dimanche et il lui était impossible de tout vendanger avant cette date. Deux choix s’offraient alors à lui. Prendre le risque en espérant que la pluie et les orages passent à côté ou soient moins violents qu’annoncés, ou vendanger les vignes en partie à la machine et en partie à la main (selon les parcelles et le mûrissement). Il a finalement opté pour la seconde solution… et bien lui en a pris. Tout était rentré depuis une heure que le ciel se déchaînait et que la pluie s’abattait violemment sur Crozes. Cent millimètres sont tombés sur des raisins mûrs et sur ce qui n’a pas été récolté. Le tout irrémédiablement détruit.

Ce que nous avons dégusté nous permet d’envisager un vin moins chaud et structuré.

Immédiatement buvable, ce sera un vin plus facile pour la table que les années précédentes vu la sapidité et la fraîcheur qui s’en dégage. Ce qui constituera la « Cuvée Gaby », issue des vignes centenaires du domaine situées sur le secteur de Mercurol, nous plait beaucoup. La structure sera moins serrée et plus en largeur que d’habitude, sans pour autant perdre son caractère spécifique.

Chez Bernard Faurie, pas de 2021… Ses vignes de l’Hermitage ont été données en location à son beau- fils Emmanuel Darnaud (ce qui ne rassure personne parmi les fidèles de Bernard…). Il a juste conservé sa parcelle de Méal qui ne compte hélas que 200 m2 (soit environ 800 bouteilles selon les millésimes.) Nous aurons donc vécu avec lui 37 millésimes puisque le 1984 a été le premier acheté à une époque où il était encore totalement inconnu en Belgique.

Avec l’arrêt de son activité, le monde du vin perd sans aucun doute l’un des trois meilleurs vignerons de l’Hermitage. Le moins médiatique certes, mais pour nous celui qui a le mieux mis en évidence la grandeur de ce splendide terroir.

Merci Bernard pour tout ce que tu as apporté, pour ta ténacité à suivre ton instinct et tes idées sans céder aux sirènes de la médiatisation et des modes. Merci pour ta gentillesse et ta simplicité, et bonne route pour la suite…

Mercredi matin chez Anthony Vallet, nous sommes fortement impressionnés par les blancs 2021, et notamment par un magnifique demi-muid de Marsanne et Roussane. Impressionnant et floral, tout en dentelles et qui laisse à penser que ce contenant est plus propice à l’élégance du vin que les barriques qui ont tendance à marquer de leur empreinte la structure du vin et d’en négliger la finesse. Mais il est clair que qu’un assemblage des barriques, demi-muids et cuves amènera une complexité dans l’équilibre… Un peu de poivre un peu de sel.

En rouge, Anthony vinifie de plus en plus en parcellaire. Cette approche minutieuse permet au fil des ans d’affirmer le caractère de telle ou telle parcelle et d’en comprendre l’influence dans les assemblages.

C’est ce qui nous a permis depuis 1999 de créer avec Louis et Anthony la cuvée que vous connaissez sous le nom de « Quintessence de Rouasses »,  et depuis 2012 la « Cime des côtes » qui provient, selon les années, des plus vieilles parcelles du domaine comme « Joubert », « Mourre », ou encore « Marquian ».

Les rouges 2021 seront dans le style et la lignée des derniers millésimes, avec la fraicheur et le plaisir immédiat de l’année. Toutefois on perçoit également une matière encore en devenir qui pourrait bien s’affirmer avec l’élevage.

Comme d’habitude nous terminons au domaine Jamet. L’équipe y est bien rodée. Loïc et Fanny l’ont intégrée depuis quelques années et forment maintenant avec leurs parents un team bien soudé.

La complexité du millésime et le nombre de parcelles ont contraint le domaine à faire des choix difficiles. Il est évident que les appellations les plus prestigieuses ont été privilégiées et que par conséquent les pertes seront plus importantes en Vins de Pays et en Côtes du Rhône. Cela va nous poser un casse-tête au niveau de la répartition des allocations… 

Les blancs se présentent sous un très bon jour. Le Côtes du Rhône, composé comme à son habitude de Marsanne, de Viognier, d’une touche de Roussane et Grenache blanc, est une friandise dotée d’une aromatique délicate marquée par les fleurs des champs et une grande fraîcheur qui porte le vin jusqu’à une finale longue et précise. 

Le Condrieu issu de deux lieux-dits (Vernon et Côte Chatillon) est une véritable dentelle qui surprend le palais par sa précision, ses arômes serrés et une matière dense, presque tannique, qui est à des kilomètres de ce qu’on peut généralement trouver à Condrieu. Exit les arômes trop riches et lourdauds donnant des vins patauds… qui sont hélas la norme de pas mal de bouteilles que l’on peut trouver dans cette appellation. 

Les rouges 2021 des appellations Vins de Pays et Côtes du Rhône ont été les plus durement touchés. Le tri a été sévère et la vendange parfois aléatoire, conditionnée qu’elle était par l’urgence d’une part et la préséance de certaines parcelles d’autre part. Peu de vin donc, mais un fruit éclatant dominant pour l’instant une matière en retrait et en devenir excepté sur la parcelle que vous connaissez sous le nom «Equivoque» (terroir enclavé sur le coteau entre trois parcelles de Côte-Rôtie), qui nous a bluffé par son équilibre et sa tension.

En suivant attentivement la dégustation des divers terroirs de Côte-Rôtie, on retrouve ici aussi la trame de millésimes plus frais dans le style de 1988 ou 1996 avec toutefois un toucher soyeux et délicat, parfait partenaire d’un équilibre sur un alcool modéré (aux alentours de 12,5 degrés).

2020 : L’équilibre magistral

Syrah funambule, syrah danseuse étoile, syrah envoutante… 

Lorsqu’une année aux conditions de rêve vient à la rencontre de vignerons talentueux et passionnés,

Lorsque le toucher de bouche devient caresse,

Lorsque la finale salivante fait la queue de paon,

Lorsque les mots manquent pour exprimer votre ressenti,

Alors, peut-être êtes- vous en train de déguster un 2020 !

Bien sûr toutes les régions, appellations et couleurs ne sont pas livrées à la même enseigne, bien sûr les réussites des années précédentes ne sont certainement pas à négliger, mais ici, nous avons été comblés. Sachez simplement que ce millésime est en symbiose totale avec la philosophie vineuse du Moulin : pureté, délicatesse, équilibre et plaisir.

Il faut dire que tout a été précurseur d’un très grand millésime : pluie en hiver et donc reconstitution des nappes phréatiques, printemps doux et ensoleillé, floraison dans de bonnes conditions mais hélas perturbée par un gros coup de chaud (d’où la perte de volume, seul point noir de l’année), et la chaleur de l’été a été entrecoupée d’épisodes moins chauds, et surtout de nuits beaucoup plus fraîches. C’est cette dernière caractéristique qui a donné ce magnifique équilibre entre fraîcheur et maturité.

Alors… 

Alors au vu de tout cela, 2020 est une année bonheur pour le vin. Mais dont on a moins parlé vu la pandémie qui sévissait partout. 

Je ne m’attarderai donc pas sur nos dégustations de ce millésime, je ne ferais que me répéter. 

Et bien plus que les mots, le contenu de votre verre sera le juge de paix.

Vous retrouverez un peu partout en France la signature de l’année et rendez- vous sur ce site où je vous entretiendrais des opportunités à saisir.

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